Appel à communications

Colloque international

Etat de guerre, Etats en guerre XXe-XXIe siècles

Etat de guerre-Etats en guerre

Organisé conjointement par

le Réseau de recherche interdisciplinaire Colonisations et Décolonisations RICODE
le Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée (INALCO-CERMOM EA 4091)
l’Institut d’Histoire du Droit (IHD Poitiers – EA 3320)
l’Académie des Sciences d’outre-mer (ASOM)

les 5 et 6 décembre 2019

à l’Académie des sciences d’outre-mer
15 rue La Pérouse- 75116 Paris

Présentation et axes du projet :

Le thème du colloque « Etat de guerre, Etats en guerre » et l’évolution des conflits armés dans le monde du XXe au XXIe siècle nous projettent d’emblée dans deux directions : l’approche « classique » de la guerre comme outil du pouvoir politique et ses implications ; l’apparition de nouvelles formes de conflictualité et le changement dans la nature des victimes.

Les guerres ont longtemps été considérées comme la principale source de violence sur la scène mondiale. L’Etat se présentant comme l’acteur central des relations internationales, la sécurité mondiale s’est souvent confondue avec la sécurité des Etats. Les conflits de l’histoire contemporaine qui ont forgé notre représentation de la guerre – guerres mondiales, guerres interétatiques, guerres coloniales, etc – se sont souvent soldés par une victoire, débouchant d’une part sur des traités de paix qui ont reconfiguré les rapports de force, et d’autre part sur la fin des empires coloniaux. Dans ces conditions, ce sont le lien entre le politique et le militaire, ainsi que la conduite de la guerre et ses implications sociales, politiques et territoriales qui dominent.
Selon Clausewitz, le lien entre le politique et le militaire constitue la pierre angulaire de toute stratégie de guerre. Souvent mais pas toujours, la dimension politique englobe la dimension militaire, dans la mesure où c’est le chef politique qui décide ou pas du recours à la guerre. La guerre se trouve alors à la charnière du politique, du militaire et de l’idéologique. Dans ces conditions, quelle est la liberté de décision et d’action du politique et du stratège ? Quelle place faudrait-il donner aux questions de droit et d’éthique ? Quelles sont les finalités et les conséquences sur l’évolution des sociétés et les rapports entre Etats ? La guerre étant pensée comme un outil au service du politique, la réponse à ces questionnements permettra d’étudier la préparation et la conduite de la guerre, d’éclairer la décision et les choix politiques. Mais elle ouvre aussi d’autres perspectives.
Dans la vision de Clausewitz, la guerre apparaît moins comme un outil militaire au service du politique que l’une des formes violentes de l’interaction sociale et politique. La guerre ne se réduit donc pas aux opérations armées, ni même aux choix politiques qui président à son usage. Elle implique l’étude des sociétés tout entières dans la mesure où la guerre façonne et pèse sur la société, dont l’adhésion ou le refus des choix politiques et stratégiques peut déterminer l’issue des combats. La guerre est un prisme par lequel on peut mieux comprendre l’évolution des sociétés – à travers notamment l’analyse des contraintes qu’elles subissent, des accommodements qu’elles élaborent et de la perception qu’elles ont des enjeux – et les choix politiques qui déterminent la vie d’un Etat ou d’une nation. Le temps de sortie de guerre est aussi intéressant à prendre en compte pour voir comment l’Etat se retire du conflit, comment est mis fin à la situation d’exception que constitue la guerre et comment et avec quelle perspective populations et combattants appréhendent la transition.

Cependant, depuis la fin du XXe siècle, loin de disparaître, les affrontements entre armées régulières, toujours d’actualité, se révèlent moins nombreux. Certes, l’éventualité de la guerre n’est pas à exclure, « l’intérêt national » peut toujours être à l’origine du déclenchement des hostilités, mais les Etats ne sont plus les protagonistes exclusifs des guerres tandis que les conflits armés ont changé de forme. A côté de ces guerres entre Etats, la scène internationale a vu se multiplier, depuis l’effondrement de l’Union soviétique, les interventions militaires dans le cadre ou non de l’ONU, les guerres asymétriques, les opérations de contre-insurrection, les frappes aériennes « ciblées », l’usage des drones armés, le recours aux unités spéciales pour des opérations ponctuelles, l’assistance à un pays tiers, le terrorisme et enfin, les guerres internes aux Etats.

La multiplicité des acteurs étatiques ou non-étatiques (groupes djihadistes transnationaux, guérillas, narcotrafiquants, etc.), des modes d’action ou de combat, des sources de conflit (prolifération nucléaire, régimes dictatoriaux, narcotrafics etc.) ont bouleversé les grilles de lecture traditionnelles. L’exemple des récentes guerres d’Afghanistan et d’Irak montre que le lien entre l’outil militaire et la finalité politique n’est plus établi. La victoire militaire des coalitions occidentales ne s’est pas transformée en succès politique.
Cette réalité ainsi que la pluralité des situations de guerre incitent au renouvellement de la réflexion sur les zones de conflit et le sens donné au concept de guerre. Il apparaît ainsi difficile de caractériser les interventions armées d’un Etat. Celui-ci est-il en guerre ou en état de guerre ? L’exemple du Mali est de ce point de vue intéressant. La France, perçue comme un Etat en paix, intervient dans le cadre de l’opération « Barkhane », mais seul le Mali est en état de guerre ou en situation de conflit armé. Pourtant, l’Etat français, frappé sur son propre territoire par le terrorisme islamiste, se déclare « en guerre » contre les groupes djihadistes, comme l’Organisation Etat islamique. Il est intéressant de s’interroger sur la manière dont l’Etat fait face à la situation de conflit, qu’il en soit l’auteur ou qu’il la subisse, en élaborant par exemple des outils juridiques nouveaux. La nature de l’ennemi est également problématique. L’Etat en guerre est-il face à un combattant ou à un civil terroriste ? Ces questions ainsi que les tendances à la privatisation par le recours de plus en plus fréquent aux sociétés militaires privées ou aux poursuites pénales contre les soldats ou les terroristes, qui sont au cœur du thème du colloque, restent encore peu analysées.

L’évolution des conflits et des formes de violence politique dans le monde s’est également traduite par un changement dans la nature des victimes. Alors qu’au début du XX siècle, les militaires représentaient la majorité des victimes des guerres, 5% seulement d’entre elles étant des civils, aujourd’hui, le rapport s’est inversé avec 90% de victimes civiles dans les conflits. Avec leur lot de déplacés et de réfugiés, notamment de femmes et d’enfants, les violences politiques contemporaines et en particulier les violences infra-étatiques, ont placé les individus au centre des enjeux sécuritaires.

Dans la droite ligne des perspectives ouvertes par le Dictionnaire de la guerre et de la paix (PUF, 2017), le colloque sur « Etat de guerre, Etats en guerre XXe-XXIe s. », s’inscrit dans une démarche pluridisciplinaire pour mieux saisir la complexité des situations de conflit armé dans des espaces variés et renouveler la réflexion sur ce thème.

Nous proposons les axes suivants :
-Le politique et la guerre (outil de pouvoir, finalités, paix, défaite, évolutions des sociétés, reconfiguration géopolitique…) ;
-La guerre dans tous ses états (guerre interétatique, asymétrique, infra ou intra-étatiques, luttes contre les tendances « séparatistes », blocus, etc.)
-Les nouveaux modes et techniques de guerre (privatisation, judiciarisation, drones…)
-Les nouveaux défis et leurs incidences sur l’environnement social et politique (terrorisme, décomposition des Etats, perte de légitimité des autorités politiques, question des réfugiés, crise humanitaire, populisme en Europe, pays frontaliers…)

Les propositions de communication sont à adresser sous la forme d’un intitulé et d’un bref résumé (environ 500 signes) avant le 31 mars 2019 au comité scientifique :

-s.mechat@free.fr
-eric.gojosso@univ-poitiers.fr
-anne-claire.bonneville@inalco.fr
-redacchef@academiedoutremer.fr (Madame D. Fagot)

Seuls les frais d’hébergement et de restauration seront pris en charge. Pour les frais de déplacement, nous vous invitons à prendre contact avec vos universités ou laboratoires respectifs.