Notice

Quelle scolarité offrir aux enfants métis de la colonie ?

Il s’agit ici de départager pour l’administration tonkinoise d’envisager la possibilité d’admettre ses enfants, lorsqu’ils ne sont pas reconnus par leur parent européen, dans les écoles françaises.

La question est loin d’être anodine dans la mesure où elle permet d’illustrer la distinction réalisée entre les populations locales et les ressortissants français et européens au Tonkin.

Si les enfants métis non reconnus seront finalement acceptés sous condition à l’école de Nam-Dinh, cette solution n’est pas reproduite dans l’ensemble des écoles du Tonkin.

Les documents présentés ci-dessous sont extraits de la côte RSTNF 3575 conservée aux Archives Nationales d’Outre-Mer (ANOM).

Extrait d’une lettre n°696 du 23 août 1907 du directeur général de l’instruction publique de l’Indochine au directeur du collège Paul Bert, RSTNF 3575

Les élèves métis non reconnus et les élèves annamites ne peuvent être admis librement au Collège Paul Bert, au même titre que les élèves français pour deux raisons :

1° Ils ne savent pas ou savent mal le français et sont hors d’état de suivre l’enseignement qui est donné au Collège en français ; ils ne peuvent pas l’apprendre au Collège ou ils l’apprennent beaucoup plus mal qu’à l’école franco-annamite, car les méthodes et les programmes de nos écoles françaises supposent complètement acquis les éléments de la langue maternelle et il n’est pas possible de constituer au Collège des classes spéciales pour les enfants métis ou annamites.

Leur présence dans les classes françaises, gêne considérablement la marche des études, retarde les progrès des enfants et n’est pour eux-mêmes que d’un très médiocre profit.

2° La plupart de ces enfants sont abandonnés à peu près à eux-mêmes et ils ne sont soumis, dans leur famille, ni à la direction, ni au contrôle d’un père ou d’un tuteur français. Vous avez signalé vous-même, dans votre lettre n°2120 du 9 mai dernier, ces enfants qui vivent « livrés à eux-mêmes, sans surveillance, sans soins, sans conseils donnés par les Européens ».

Cette situation rend à peu près impossible l’œuvre d’éducation, telle qu’elle est conçue dans notre enseignement français, c’est-à-dire avec la collaboration étroite de la famille. Comment exercer une action éducation quelconque sur des enfants qui restent sans surveillance hors de l’école, dont l’administration ne peut pas contrôler les motifs d’absence, pour qui il n’est pas possible de provoquer les sanctions de l’autorité paternelle, sans laquelle les sanctions scolaires n’ont aucun effet ?

Pour ces enfants, véritables orphelins, l’internat s’impose. Cet internat sera réalisé, dès la rentrée scolaire, dans les conditions, les mieux adaptées à leurs besoins, dans la section préparatoires des écoles complémentaires et du lycée franco-asiatique au Grand Bouddha. Quant aux enfants qui ne pourront encore, faute de ressources et de crédits, être admis à l’internat, des places seront réservées, dès le 9 septembre, dans les huit écoles primaires franco-annamites d’Hanoi.

De ce qui précède, il ressort qu’un enfant métis non reconnu ou annamite ne peut être reçu au Collège Paul Bert que s’il se trouve moralement et intellectuellement dans les conditions qui lui permettent de profiter de l’instruction et de l’éducation qui y est donnée et de ne pas nuire aux progrès de l’instruction et de l’éducation des enfants français.

Vous aurez donc à vous assurer avant d’admettre un de ces élèves au Collège Paul Bert :

1° qu’il sait le français et qu’il peut suivre les cours de la classe où il désire être admis ;

2° qu’il est effectivement présenté par un tuteur ou correspondant européen habitant Hanoi qui s’engage à suivre ses études, à surveiller sa conduite au dehors, à faire observer par l’enfant les règlements du Collège.

S’il ne sait pas suffisamment le français, où s’il n’a pas été présenté par un correspondant européen, vous voudrez bien l’adresser à la direction de l’enseignement qui assurera son admission dans une école franco-annamite.

Lettre n°201 du 21 septembre 1908 du résident de France à Nam-Dinh au résident supérieur au Tonkin au sujet de la réouverture de l’école mixte européenne, RSTNF 3575

J’ai l’honneur de vous transmettre sous ce pli en l’appuyant d’un avis très favorable, une requête qui m’a été adressée par les père de famille de Nam-Dinh et réclamant la réouverture de l’École-mixte européenne.

A ce propos, je crois devoir vous signaler qu’il existe au chef-lieu de nombreux enfants métis, fils de commerçants notables ou d’officiers, non reconnus, mais très bien élevés et parlant suffisamment le français auxquels l’entrée de l’école mixte européenne est refusée par principe. Leurs parents se voient contraints de les envoyer, à leurs frais, comme pensionnaires dans les écoles congrégationnistes de Hanoi et de Hai-Phong.

Ils seraient très désireux de pouvoir les conserver auprès d’eux, s’il leur était permis de les faire admettre à l’école laïque européenne de Nam-Dinh, ainsi que j’ai pu m’en assurer par une rapide enquête. Personne dans la localité ne saurait voir d’inconvénient à ce que satisfaction soit donnée à leur désir bien légitime.

Dans ces conditions, je vous serais très obligé de vouloir bien autoriser l’admission à l’École mixte européenne de Nam-Dinh des enfants métis qui, quoique non reconnue, sont bien élevés et possèdent des connaissances suffisantes de la langue français.

Minute d’une lettre n°8568 du 26 septembre 1908 du résident supérieur au Tonkin au chef du service de l’enseignement, RSTNF 3575

J’ai l’honneur de vous adresser, sous ce pli, copie d’une lettre n°201 du 21 septembre courant par laquelle M. le résident de Nam-Dinh signale l’intérêt que présenterait au double point de vue des familles et l’enseignement laïque l’admission à titre exceptionnel des métis non reconnus à l’École mixte de cette ville.

Je vous serais obligé de vouloir bien me faire connaitre la suite que cette affaire vous parait comporter.

Lettre n°1610 du 4 octobre 1908 du chef de l’enseignement public au Tonkin au résident supérieur au Tonkin au sujet de l’admission des métis non reconnus à l’école mixte de Nam-Dinh, RSTNF 3575

Sous lettre 8568 du 26 septembre 1908, vous avez bien voulu me transmettre copie d’une lettre n°211 du 21 septembre courant par laquelle M. le Résident de Nam-Dinh signale l’intérêt que présenterait au double point de vue des familles et de l’enseignement laïque l’admission à titre exceptionnel des métis non reconnus à l’école mixte de cette ville.

J’ai l’honneur de vous faire connaitre que si en réalité aucun texte ne s’oppose formellement à l’admission dans les écoles mixtes des métis non reconnus, des considérations d’ordre moral et pédagogique ont fait instituer comme règle que seuls les métis reconnus pourraient être admis dans les écoles françaises.

D’une part en effet il est rare que les métis non reconnus soient confiés aux soins d’un Européen : le plus souvent c’est la mère seule qui assure l’entretien et la nourriture de l’enfant. Or l’expérience semble avoir démontré qu’un enfant métis, abandonné exclusivement aux soins d’une femme indigène est très sensiblement inférieur comme niveau d’éducation, aux enfants français. Leur contact peut-être à ce point de vue très préjudiciable aux enfants européens. Le plus souvent, le manque de surveillance, les mauvais exemples qu’ils ont sous les yeux déterminent chez l’enfant métis non reconnu des habitudes déplorables qui peuvent influer soit sur les enfants métis confiés aux soins d’un Européen, soit surtout sur les enfants européens. Il est notoire que dans nombre d’écoles mixtes, les parents français ont protesté contre l’admission de métis non-reconnus, parce que ces derniers viciaient les jeunes français.

Je sais que M. le Résident de Nam-Dinh prend soin d’indiquer dans sa demande que seraient seuls admis les enfants métis qui quoique non reconnus, seraient bien élevés. Mais à quel critérium, reconnaitre pour les admettre les enfants métis « bien élevés » ? Quelles difficultés provoquerait l’exclusion de certain d’entr’eux, sous le prétexte d’une insuffisante éducation. Ou il faut admettre tous les métis non reconnus, ou il faut n’en admettre aucun. L’élimination motivée est rendue presque impossible par l’amour propre des parents qui chercheront à influencer l’Administration pour obtenir à tout prix l’admission de leur enfant, dont ils se donneront comme tuteur, correspondant ou ami du père décédé ou disparu. Au surplus, l’administration a prévu le cas lorsqu’elle a ouvert le collège de Hung-Hoa aux enfants métis orphelins ou abandonnés.

En fait abandonnés a pris la signification de « non-reconnus ».

Dès lors, comme il sera impossible de limiter à la seule école de Nam-Dinh la faculté d’admettre des métis non reconnus, et qu’on arrivera par force à étendre cette faveur aux autres écoles mixtes du Tonkin et même aux établissements français d’Hanoi, l’administration verra se vider progressivement le Collège agricole de Hung-Hoa destiné à recueillir ces enfants, et les réclamations augmenteront de parents français qui protesteront contre le contact imposé à leurs enfants de camarades d’une éducation inférieure.

De plus les enfants métis non reconnus, abandonnés le plus souvent, comme je vous le disais plus haut, à la surveillance très relâchée des femmes indigènes ne possèdent guère en général de la langue française, une connaissance supérieure à celle des boys qui sont employés par les européens. Il en résulte pour les instituteurs ou institutrices chargés des écoles mixtes de graves difficultés qui proviennent du manque complet d’homogénéité de la population scolaire. Cette difficulté se rencontre déjà dans les écoles mixtes où l’on admet les métis reconnus, pourtant plus rompus à la connaissance du français parce qu’en général ils vivent avec un européen. Dès lors le travail s’en ressent pour tous les élèves : les progrès sont ralentis pour tous les élèves qui perdent leur temps à écouter l’institutrice enseigner aux métis les rudiments de la langue française avec lesquels ils sont, eux-mêmes, déjà familiarisés.

En conséquence, tout en déplorant ce que l’exclusion des métis non reconnus peut avoir de vexatoire et même d’inhumain, je ne saurais appuyer la proposition de M. le résident de Nam-Dinh.

        1°/ parce que l’exception en faveur de l’école de Nam-Dinh deviendrait rapidement une règle générale,

        2°/ parce que l’admission des métis non reconnus provoquerait de nombreuses réclamations de la part des familles européennes, réclamations qui s’appuieraient sur des faits tels qu’on ne saurait leur refuser satisfaction,

         3°/ parce que la présence des métis non-reconnus dans les écoles françaises aurait pour effet de retarder les études des enfants européens, auxquelles elles sont destinées – d’après l’arrêté du 27 avril 1904,

         4°/ parce qu’enfin les enfants métis non reconnus ont toujours été admis sans difficulté dans les écoles franco-annamites, où ils sont très nombreux même à Hanoi, et que à Nam-Dinh, en particulier les écoles franco-annamites sont placés sous la surveillance d’un professeur dont la vigilance et le dévouement peuvent donner toute confiance aux parents les plus exigeants, ou aux correspondants le plus soucieux du développement moral et intellectuel de leurs pupilles.

C’est pourquoi j’estime qu’il est préférable de maintenir le statu quo./.

Lettre n°9254 du 22 octobre 1908 du résident supérieur au Tonkin au chef du service de l’enseignement public, RSTNF 3575

En réponse à votre lettre n°1610, en date du 4 octobre courant, je crois devoir attirer à nouveau votre attention sur l’intérêt tout spécial que présente le vœu de M. le résident de Nam-Dinh relatif à l’admission à l’école mixte de cette ville des métis non reconnus.

Tout d’abord, aucun texte ne s’y oppose formellement.

L’arrêté du 27 avril 1904 portant réorganisation de l’enseignement au Tonkin prévoit en son article 1er que l’enseignement public comporte deux sortes d’établissements : les uns destinés aux « Européens et assimilés », les autres aux indigènes. Parmi les Européens et assimilés, il parait logique de comprendre les métis ; mais – et c’est le point intéressant – sans distinction entre métis reconnus ou non reconnus.

Il convient de remarquer, au surplus, qu’aucun autre arrêté, aucune circulaire, aucun règlement ne fait obstacle à leur admission.

Quant aux considérations morale et pédagogiques que vous faites valoir à l’appui de la thèse de la non admission je ne crois pas qu’elles soient assez puissante pour justifier le maintien du statut quo.

  1. Le métis non reconnu, dites-vous, est rarement confié aux soins d’un Européen ; le plus souvent c’est la mère qui assure son entretien et sa nourriture. Or la mère se relâche dans ses soins de surveillance, lui laisse fréquenter de petits camarades de son âge mal élevés et qui le rendent vicieux. Il est donc de toute importance que cet enfant ne vienne pas, par les mauvaises habitudes contractés dans son milieu, influer soit sur les enfants métis reconnus, soit surtout sur les enfants européens. Dans de nombreux cas, le métis bien que non reconnu demeure auprès de son père ; à ce titre, il doit donc bénéficier des avantages accordés au métis reconnu. Du reste, il est à noter que ce dernier est souvent élevé lui aussi par des indigènes, ne connaît que très peu de français ou pas du tout et que son père, en le reconnaissant, n’a voulu que lui assurer un droit légal à sa succession. Il est de toute évidence qu’on ne peut faire de la reconnaissance une garantie certaine de bonne éducation. Pourquoi donc empêcher un métis, parce qu’il n’a pas été reconnu, de frayer avec de jeunes camarades plus favorisés par leur naissance et mieux éduqués par leur famille. Lui permettre au contraire de les fréquenter, c’est l’aider à s’améliorer, à développer à grands pas son éducation.
  2. Son contact est selon vous dangereux pour de jeunes européens appelés à vivre à ses côtés. Estimez-vous qu’un enfant de 8 ou 10 ans ait contracté de si déplorables habitudes qu’il soit indispensable de le mettre à l’écart, de l’isoler des enfants de son âge d’un niveau social plus élevé ?
  3. Vous ajoutez qu’il faut escompter de nombreuses réclamations des parents. Le sort de ces malheureux éveille trop la pitié pour que des protestations s’élèvent contre la faveur qui leur serait accordée de pouvoir suivre les cours de l’école mixte.
  4. Mais alors concluez-vous que se produira-t-il ? Abandon des écoles franco-annamites, du collège d’Hung-Hoa qui leur sont librement ouverts. Il ne semble pas que cette éventualité soit à craindre ; nombreux à mon avis serait les parents qui se contenteront de l’éducation donnée à leurs enfants dans ces établissements n’auront pas l’ambition de vouloir parfaire leur instruction. D’ailleurs toute la question réside dans le problème suivant : devons-nous rabaisser les métis au rang des indigènes ou nous efforcer, au contraire, de leur donner une meilleur instruction et une éducation plus soignée ? Il est de toute justice de racheter la faute de ces pères de famille trop léger, trop insouciants qui ont négligé tous les devoirs sacrés d’aide, de protection, d’assistance qu’impose la paternité. Du sang français coule dans leurs veines ; nous devons en conséquence, les attirer à nous, leur montrer que le Gouvernement de l’Indo-Chine veille sur eux, prend soin d’eux et ne veut à aucun prix laisser constituer un groupe de déclassés mal vus de la population indigène, tenu à l’écart par les français.

Or, comme l’on ne peut, d’une part, invoquer aucun texte contre l’admission des métis non reconnus dans les établissements d’enseignement public et que d’autre part, dans le cas qui nous occupe, M. le résident de Nam-Dinh assure que personne, dans la localité ne verra d’inconvénient à ce que ces enfants suivent les cours de l’école mixte j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien étudier de très près cette question et me faire part des observations que vous aura suggéré ce nouvel examen.

Copie d’une lettre n°128 T du 26 octobre 1908 du directeur général de l’instruction publique de l’Indo-Chine au chef du service de l’enseignement au Tonkin, RSTNF 3575

En réponse à votre lettre n°73, du 23 octobre courant, relative à l’admission des métis non reconnus dans les écoles françaises, j’ai l’honneur de vous faire connaître que c’est à M. le résident supérieur qu’il appartient de trancher définitivement cette délicate question.

Je ne puis que vous transmettre copie des instructions qui ont déjà été envoyées à ce sujet au directeur des écoles de Nam-Dinh, à la date du 15 septembre 1907.

Ces instructions que j’avais eu l’occasion d’adresser quelques jours auparavant au directeur du collège Paul Bert avaient été d’ailleurs approuvées par M. le résident supérieur.

Lettre n°1813 du 27 octobre 1908 du chef de l’enseignement public du Tonkin au résident supérieur au Tonkin, RSTNF 3575

Par lettre 9284 du 22 octobre qui répondait à ma lettre 1610 du 4 octobre, vous avez bien voulu attirer à nouveau mon attention sur l’intérêt tout spécial de la question des métis non reconnus en ce qui concerne leur admission à l’école mixte de Nam-Dinh. Ma lettre 1610 du 4 octobre vous exposait les raisons pour lesquelles, il ne me paraissait pas que l’on pût donner satisfaction au vœu formulé par M. le Résident de Nam-Dinh.

Dès réception de votre lettre 9284, j’ai saisi M. le directeur général de la question par lettre 73 du 23 octobre. M. le directeur général m’a répondu en m’adressant sous lettre 128 T du 26 octobre, copie des instructions qu’il avait envoyées le 23 août 1907 à M. le directeur du collège Paul-Bert qui avait sollicité son avis au sujet de l’admission des élèves métis non reconnus dans les établissements scolaires français.

J’ai l’honneur de vous adresser ci-inclus copie de la lettre 128T de M. le directeur général et la copie des instructions envoyées au directeur du collège Paul-Bert. Ce document renferme exactement les mêmes arguments que ceux que je vous avais présentés déjà dans ma lettre 1610 du 3 octobre.

Il vous appartient, Monsieur le Résident supérieur, de trancher définitivement cette délicate question à moins que vous n’estimiez préférable la solution qui consisterait à autoriser la directrice de l’école mixte à recevoir tous les enfants métis qui lui seraient présentés par un correspondant européen, sans qu’elle eût à se préoccuper de leur état-civil. S’il apparaissait par la suite que ces enfants fussent ou trop mal élevés ou trop ignorants des rudiments de la langue française et par suite incapable de profiter des cours, la directrice aurait la faculté de les renvoyer.

Si, au contraire, vous jugiez préférable d’autoriser définitivement et par arrêté ou par une décision officielle l’admission des métis non reconnus à l’école de Nam-Dinh, il y aurait à craindre que cette exception ne devînt trop vite une règle générale et que les métis non-reconnus aient droit d’entrée dans toutes les écoles françaises : ce qui ne manquerait pas de provoquer de nombreuses réclamations.

Je ne crois pas qu’on puisse s’autoriser de l’expression d’ailleurs très vague qui figure à l’article 1er de l’arrêté du 27 avril 1904, à savoir : européens et assimilés pour prétendre que la catégorie des assimilés puisse comprendre les métis non reconnus. Je croirai plutôt que dans la pensée du législateur « assimilés » signifierait : « qui jouissent des mêmes droits civils que les européens, qui ont un état civil ». Si l’on accepte cette interprétation qui semble conforme à la législation en matière civile, la question de l’admission des métis non reconnus dans les écoles mixtes serait tranchée par la négative.

Note manuscrite n°2596 du 14 novembre 1908 pour M. le résident supérieur de l’administrateur chef du 3ème bureau de la résidence supérieure au Tonkin, RSTNF 3575

Le chef du service de l’enseignement public du Tonkin, après avis de M. le directeur générale de l’Instruction publique, fait connaître, par lettre ci-jointe n°1813 en date du 27 octobre dernier, qu’il appartient à M. le résident supérieur de trancher définitivement la question de l’admission des enfants métis non reconnus à l’école mixte de Nam-Dinh.

J’ai l’honneur de solliciter des instructions de M. le résident supérieur.

Minute d’une lettre n°10189 du 2( ?) novembre 1908 du résident supérieur au Tonkin au résident de France à Nam-Dinh, RSTNF 3575

En réponse à votre lettre n°201 du 21 septembre dernier, j’ai l’honneur de vous faire connaître que j’autorise, sous les réserves ci-après, l’admission des métis non reconnus à l’école mixte de Nam-Dinh.

Les enfants métis non reconnus pourront être reçus à cette école s’ils se trouvent moralement et intellectuellement dans des conditions leur permettant de profiter de l’instruction et de l’éducation qui y est donnée, sans nuire aux progrès de l’instruction et de l’éducation des enfants français.

Avant d’autoriser un de ces élèves à suivre les cours de l’école mixte de Nam-Dinh, il conviendra donc de s’assurer :

1° – qu’il sait le français et qu’il peut suivre les cours de la classe où il désire être admis ;

2° – qu’il jouit d’une éducation satisfaisante et que ses parents exercent sur sa conduite au dehors une étroite surveillance.

En résume, l’institutrice, chargée de la direction de cet établissement ne devra admettre qu’avec prudence les métis non reconnus, en ayant soin d’écarter ceux dont le contact serait nuisible aux autres élèves appelés à vivre à leurs côtés et susceptibles par suite de soulever des réclamations de la part des familles européennes.

Je vous serai obligé de vouloir bien veiller à ce que ces instructions soient strictement observées.