Notice

Au printemps 1956, l’exclusion de son établissement d’un élève ayant voulu s’asseoir à coté d’une élève européenne provoque une « grève » des autres élèves.

Les documents y faisant référence sont conservés aux Archives Nationales d’Outre-Mer, fonds du gouvernement général de l’Afrique équatoriale française, GG AEF 5D 234.

Extrait du bulletin d’information des services de sécurité de l’A.E.F du 15 février 1956, GGAEF 5D 234

La vie sociale – Oubangui-Chari

Bangui – a/s d’une grève de collégiens.

Le 27 janvier les écoliers africains du Collège Emile Gentil se sont mis en grève pour protester contre l’exclusion temporaire d’un de leurs camarades. Au moment du repas de midi, les demi-pensionnaires africains ont quitté le réfectoire sans manger et sont rentrés chez eux.

Conseillés par le jeune Pascal DARLAN neveu du Conseiller de l’Union Française, les collégiens ont fait intervenir les parlementaires à qui ils ont au préalable exposé les griefs qui ont motivé leur départ. Les nombreuses raisons invoquées, pour la plupart non fondées et empreintes d’un certain racisme, font ressortir l’état d’esprit des « meneurs » de la grève.

Malgré les interventions du député BOGANDA et du Conseiller Antoine DARLAN, seuls une trentaine d’élèves ont repris les cours dans l’après-midi du 30 janvier. Le 31 janvier, le nombre des présents est tombé à 19.

Il ne fait aucun doute que, dans cette manifestation, la grande majorité des élèves, a suivi par crainte de représailles, la loi de quelques meneurs. La plupart des parents ou correspondants ignoraient que leurs enfants avaient quitté le collège. Ils ne l’ont appris qu’en recevant du Directeur une demande d’explications sur les causes de l’absence de leurs enfants.

L’opinion publique européenne juge sévèrement la conduite de ces « gamins » qui ont fait intervenir les parlementaires du Territoire, alors que les parents se désintéressent totalement de leur activité scolaire.

Extrait d’une note administrative, non signée, non datée, relative au 27 janvier 1956, GG AEF 5D 234

Un incident plus important éclata au Collège Émile Gentil, le vendredi, 27 janvier. La veille, en étude de consignés, un élève africain, PEWUA, avait été surpris se déplaçant pour aller s’installer à côté d’une élève européenne. Comme il avait été puni fréquemment depuis le début de l’année scolaire, il fut traduit en conseil de discipline et exclu du collège pour huit jours. La sanction pouvait effectivement paraitre disproportionnée avec les faits. Elle donna lieu en tout cas à une manifestation collective des boursiers africains, sans aucun préavis, sans qu’aucune d’eux ne songe à s’adresser préalablement à la direction de l’établissement.

Le 27 janvier, soudain, tous les boursiers africains quittèrent le réfectoire et partirent en ville. BOGANDA était absent : ils se dirigèrent chez DARLAN qui comptait l’un de ses neveux parmi les manifestants. Immédiatement, les élèves mirent au cause des mesures discriminatoires soit disant prises au Collège, les élèves africains se plaignant d’être séparés des élèves européens et plus mal traités. Les faits qu’ils citèrent furent reconnus faux à l’exception d’un seul : en cas d’absence d’un professeur ou d’un vide dans l’emploi du temps, les élèves africains étaient effectivement dans une étude, les élèves européens dans une autre. L’administration du collège invoqua des motifs de pure administration dans cette organisation mais remédia aussitôt à ce système cependant critiquable.

La grève des collégiens dura jusqu’au jeudi 2 février, non sans que le lundi il y eut une velléité de reprise accompagnée de manifestations déplacées devant le Collège : quelques meneurs, élèves de seconde et première, brimèrent les plus jeunes et les obligèrent à les suivre, instituant même ce qu’on pourrait appeler des piquets de grève. L’intervention de l’association des parents d’élèves, un appel à la responsabilité des parents et des correspondants des boursiers ramenèrent le calme et aucun incident n’a été noté depuis le 3 février.

Il ne convient pas moins de noter l’espèce d’amertume passionnée dont certains des collégiens ont fait preuve.

Au surplus, comme chez toute population insuffisamment développée, l’enfant qui fait ses études joue dans sa famille et même hors de celle-ci un rôle beaucoup plus important qu’il n’est appelé à le faire dans un vieux pays. Il est, au milieu de semi-ignorants, celui qui apprend, celui qui sait ; d’où l’importance relative qui revêt une manifestation de ce genre.

Elle est la démonstration de l’extrême sensibilité de la population oubanguienne et de la rapidité avec laquelle un incident banal est encore transposé sur le plan racial.