Au point de départ de ce livre, il y avait naturellement ce constat : l’histoire des colonies sous ses aspects juridiques et institutionnels ne peut être bien saisie qu’enracinée dans la longue durée. Elle seule permet de prendre toute la mesure des permanences et des mutations et l’un des objectifs de l’étude préliminaire qui prolonge cette introduction, est précisément de montrer, à partir de l’analyse lexicale, que les juristes ont, à toutes les époques, sollicité des éléments récurrents pour rendre compte des réalités de leur temps, si bien qu’à l’apogée des empires européens, ils ne parviennent toujours pas à penser la colonisation sans se référer à l’Antiquité, même s’il s’agit avant tout de marquer toute la distance qui sépare hier d’aujourd’hui.
La première partie de ce livre s’intéresse principalement aux deux temps forts qui caractérisent la colonisation avant l’accélération du processus de domination ultramarine propre au XIXe : celle de l’Antiquité romaine (Michel Humbert, Lorenzo Gagliardi, David Kremer) et celle de la première vague d’expansion mondiale, à l’heure où se constituent les empires espagnol et portugais (Jean-Baptiste Busaall, Vasco Resende, Adrien Lauba), bientôt concurrencés par les établissements néerlandais, britanniques et français (Laurent Bouchard, David Gilles, Catherine Lecomte, Sophie Delbrel). Mais la réflexion portera aussi sur cet entre-deux médiéval fréquemment occulté qu’on ne peut ramener à une simple parenthèse (Jacques Bouineau, Valérie Ménès, Clarisse Siméant).
La deuxième partie sera consacrée à l’époque contemporaine qui correspond à l’âge d’or de la colonisation européenne et à son déclin final. L’accent y sera mis largement sur l’expérience française (Eric de Mari, Anne Girollet, Eric Gojosso, Anthony Mergey, Arnaud Vergne, Philippe Cocâtre-Zilgien) sans négliger pour autant les autres expériences, britannique (Frédéric Rideau, Mamady Kourouma), néerlandaise (Laurent Bouchard) et portugaise (Adrien Lauba, Sandrine Bègue), avant que ne soit abordé l’épisode de la décolonisation (Samia El Mechat, Jean-François Klein) qui laisse néanmoins subsister la problématique des territoires dépendants (Dominique Breillat).
TABLE DES MATIÈRES
– Introduction
– Étude liminaire : la notion juridique de colonie. Lecture diachronique d’un terme polysémique.
Première partie. Des origines romaines aux colonies modernes (pp. 1s)
– Antiquité romaine
M. HUMBERT, «La colonisation et le phénomène migratoire : leçons romaines», pp. 41s
L. GAGLIARDI, «Approche juridique des relations entre Romains et indigènes. Le cas des colonies romaines», pp. 59s
D. KREMER, «Colonisation latine et romanisation de l’Italie», pp. 77s
– Moyen Age
J. BOUINEAU,« Le droit dans les Sagas du Vinland», pp. 95s
V. MENES, «La colonisation dans le royaume de France au Moyen Age : la politique de colonisation des Capétiens», pp. 115s
C. SIMEANT, «La colonisation des colons dans les droits savants : une liberté relative», pp. 129s
– Époque moderne
J.-B. BUSAALL, «Les Indes espagnoles, 1492-1837, une colonisation sans colonies», pp. 143s
V. RESENDE, «Forces et faiblesses de l’empire portugais asiatique (XVIe-XVIIe siècles)», pp. 173s
A. LAUBA, «Un instrument de la colonisation portuguaise au Mozambique : le prazos da coroâ, un “bail emphytéotique administratif” original (XVIIe siècle)», pp. 189s
L. BOUCHARD, «La colonisation hollandaise avant 1789», pp. 209s
D. GILLES, «Le “modèle” colonial britannique d’Ancien Régime en question : variations autour de la transplantation des droits (Amérique du Nord XVIIe-XVIIIe siècles)», pp. 221s
C. LECOMTE, «Les compagnies maritimes et l’État royal : où est la réalité du pouvoir ?», pp. 239s
S. DELBREL, «Une justice paradisiaque ? Remarques au sujet d’un projet de colonisation protestante de l’Ile Bourbon en 1689», pp. 23s
Deuxième partie. Les empires coloniaux de l’époque contemporaine (pp. 269s)
– L’expérience française
E. DE MARI, «La pratique notariale dans le Nord de Saint-Domingue pendant la Révolution Française (1793-1798). Science des notaires, espoirs et évènements révolutionnaires», pp. 273s
A. GIROLLET, «Spécialité législative et discrimination : une application inégale des principes républicains dans les colonies françaises (XIXe-XXe siècles)», pp. 289s
E. GOJOSSO, «L’administration territoriale des protectorats annamites et tonkinois (1883-1899)», pp.303s
A. MERGEY, «Aperçu du (dys)fonctionnement de la justice en Indochine française dans les années 1930 : l’exemple du Laos», pp. 325s
A. VERGNE, «L’impossible colonie. La question du statut juridique des Terres Australes et antarctiques françaises de 1892 à 1955», pp. 343s
P. COCATRE-ZILGIEN, «Quand la France était “la colonie de ses anciennes colonies” (1946-1958)», pp. 381s
– Les expériences étrangères
F. RIDEAU, «Le “coût” de l’instruction : stratégies coloniales anglaises en matière de propriété intellectuelle au XIXe siècle», pp. 451s
M. KOUROUMA, «Le Gouverneur de la Gold Coast (actuel Ghana) : attributions et pouvoir»s, pp. 465s
L. BOUCHARD,« La colonisation néerlandaise au XIXe siècle», pp. 473s
A. LAUBA, «Le Portugal au Mozambique. un aspect des stratégies coloniales d’un État pauvre : l’établissement d’un “partenariat public-privé” (1891-1941)», pp. 487s
S. BEGUE, «Brouiller les cartes pour mieux rester : rigidités et paradoxes juridico-institutionnels de la colonisation portugaise en Inde (1945-1960)», pp. 523s
– La décolonisation
S. EL MECHAT, «Les décolonisations en Méditerranée 1945-1962. Histoire et interprétations», pp. 539s
J.-F. KLEIN, «Entre union et fédérations, violences et négociations. Le choix des formes étatiques post-coloniales en Asie du Sud-Est britannique», pp. 551s
Épilogue (pp. 567s)
D. BREILLAT, «Existe-t-il encore des colonies aujourd’hui ? Regard sur le statut des territoires dépendants», pp. 569s